Souffler les mots - Irisyne

Souffler les mots - Irisyne

«J'AURAI L'AIR D'ETRE MORT.....

 

« J'aurai l'air d'être mort et ce ne sera pas vrai»

 

- «S'il vous plaît… dessine-moi un mouton ! »

Installée confortablement dans un fauteuil, je relisais encore le livre illus­tré de Saint-Exupéry : « Le Petit Prince ».

Les phrases défilaient sous mes yeux et les mots s'imprégnaient dans ma mémoire comme dans un songe.

Je n'entendis pas la porte d'entrée s'ouvrir. Lorsque je levai la tête, je reconnus la silhouette massive qui se découpait dans la pénombre du couloir.

Revêtu de son uniforme d'aviateur, il se tenait debout devant moi et ses grands yeux d'enfant me souriaient. A cet instant, je pensai qu'il avait une allure de jeune homme ce vieillard de presque 109 ans.

- «Je lisais votre œuvre » lui dis-je le plus naturellement du monde sans m'étonner davantage de cette apparition soudaine.

- «Savez-vous qu'elle est universellement connue sur les continents et traduite en cent soixante langues et dialectes ».

Le visage de mon illustre interlocuteur s'illumina :

- «Je sais, mais au départ, Le Petit Prince était une commande de mon éditeur américain qui m'avait demandé un conte de Noël. »

- «Un conte de Noël, » reprit-il «comporte des ingrédients invariants que j'ai presque respectés : le ciel, les étoiles, un petit prince, un mouton… dans un décor blanc comme la neige mais transposés dans mon univers familier, une immensité désertique recouverte de sable. »

- «Pourquoi avoir choisi d'illustrer vous-même votre récit ?

- A travers mes dessins, j'ai voulu créer un langage. Comme je l'avais confié à ma mère : la vie intérieure est difficile à dire… c'est préten­tieux d'en parler. J'ai traduit mes sentiments dans ces illustrations.

- Diriez-vous que vous avez livré votre secret dans ce conte ?

- J'ai révélé mon âme, dévoilé mes angoisses et ma peur de la solitude mais j'ai aussi réveillé l'enfant qui vivait en moi.

- Vous avez délivré son message : on ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux.

- Oui, il est de plus en plus d'actualité. C'est une petite lumière éter­nelle qui s'anime lorsque les êtres sont capables de comprendre.

- Comme Le Petit Prince, vous voyagez d'étoile en étoile ?

- Oui, et comme Le Petit Prince, mon cœur s'enflamme chaque fois que je m'approche de la terre et comme lui aussi, j'ai retrouvé ma rose.

- Lorsque vous avez écrit ce livre, aviez-vous conscience qu'il ferait l'objet d'études, d'analyses innombrables et qu'il serait une référence littéraire ?

- Non mais j'étais inspiré par cette fable et comme tous les écrivains qui ressentent la présence de leur muse, j'étais confiant. Par un langage poéti­que, j'ai essayé d'atteindre l'Universel.

- Qui vouliez-vous toucher ? - L'Homme. Je voulais intensifier l'idée que les désirs de domination, de possession et de fuite engendraient l'illusion et l'égarement. Lorsque ces conceptions sont abandonnées, au cœur même du vide qu'elles semblent avoir créées, l'être humain retrouve le sens de sa vie.

- Vos livres suivent un itinéraire qui, par certaines analogies, préfigure l'élaboration de l'écriture du Petit Prince comme si ce personnage mûris­sait en vous depuis toujours ?

- Ce livre fut un retour dans mon enfance. Un jour que j'avais les yeux fixés sur une feuille blanche, Le Petit Prince m'est apparu. Pour le dessi­ner, j'ai utilisé des crayons de couleur-aquarelle dont les teintes avaient la particularité d'être uniformisées et travaillées à l'eau avec un pinceau. Souvent, je dessinais des petits princes, partout, jusque sur les nappes de restaurant. Ce petit personnage curieux, sérieux qui pose plein de questions me ressemblait beaucoup.

- Un jour de guerre, vous vous êtes envolé comme le Petit Prince et comme lui aussi, vous n'êtes jamais revenu.

- Oui, j'avais écrit ce livre comme mon testament. Le serpent des sables a piqué la cheville du Petit Prince. Avant de mourir, j'ai eu le temps de me souvenir de ses dernières paroles : j'aurai l'air d'être mort et ce ne sera pas vrai… »

Tandis que Saint-Exupéry prononçait ces mots, je baissai la tête sur mon livre et je tournai les dernières pages à la recherche du passage qu'il venait de retracer.

Lorsque je levai les yeux vers lui, il avait disparu. Ce n'était donc qu'un rêve éveillé. J'étais presque triste. Je repris mon livre. Sous la lampe du salon qui éclairait une page ouverte, je tombai sur ces quelques mots surlignés : mais les yeux sont aveugles, il faut chercher avec le cœur…

 

 

REFERENCES LIVRES……… Le Petit Prince (St-Exupéry)

Il était une fois, Le Petit Prince (Alban Cerisier)


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01/10/2008
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